198.
Un hurlement résonne dans la nuit. Des corbeaux effrayés décollent dans un grand bruit d’ailes. Tous les Rédemptionais accourent dans la hutte de Cassandre. La jeune fille semble en état de choc. Sa bouche s’ouvre à peine, elle parle aussi vite que ses lèvres le lui permettent.
— Je vois… je vois… Je vois l’Arbre Bleu. Sa plus grosse branche est très grosse. Il y a une feuille…
Cassandre se met à grimacer.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— La… peste.
— Quoi la peste ?
— Ce n’est pas n’importe quelle bombe. Elle n’explose pas. Elle répand du poison. La peste.
— Une attaque bactériologique ! s’exclame Orlando. La Princesse doit parler d’une bombe qui déclenche une épidémie.
Comme pour aller dans son sens, la jeune fille continue, haletante :
— Je vois l’engin répandre du poison. Les rats l’avalent. Ils transmettent la peste. Tout se déroule… dans un endroit fermé. Il n’y a personne. Beaucoup d’eau. Des bassins remplis d’eau. Un homme pénètre dans les bassins et attache une bombe. Une bombe avec un produit vert qui va répandre la peste, annonce Cassandre les yeux toujours écarquillés. Par les rats.
— Quelle heure, quel jour, quel endroit ? débite Fetnat, méthodique.
Cassandre fronce les sourcils.
— Des bassins d’eau. Comme de grandes piscines. Des bassins énormes. Je ne vois pas l’heure… Un homme en noir avance. Il porte une grosse montre. Je vois le cadran. 23 heures. Je vois aussi une date : le 31 mars.
— Le 31 ? C’est demain !
— Attendez, attendez, on se calme, intervient Esméralda. De quoi on parle ? Ça n’existe plus, la peste ! Ni la peste, ni le choléra, ni la lèpre. Je ne suis pas médecin, mais il me semble qu’on a inventé les vaccins, les antibiotiques, et que du coup ces épidémies ont été éradiquées. Peut-être que la Princesse se goure complètement, pour une fois.
Fetnat crache par terre.
— Le choléra ravage le Zimbabwe et rien ne l’arrête, que je sache. Ils ont déjà douze mille morts.
Orlando précise :
— Justement, vu que ces épidémies sont censées avoir disparu, nos défenses naturelles sont nulles.
— Il suffira de fabriquer les médicaments pour ça, dit Esméralda.
Orlando continue de réfléchir par rapport à ce qu’il connaît des armes bactériologiques modernes.
— À moins qu’ils aient mis au point une nouvelle souche de peste résistante. Comme certaines grippes.
Cassandre répète :
— Ils vont utiliser la peste pour renverser le monde moderne. La peste et les rats. Comme avant.
Kim reste songeur.
— Une maladie du Moyen Âge apportée par des gens qui veulent que le monde retourne au Moyen Âge…
— Il suffira d’exterminer tous les rats, propose Esméralda.
— Tu parles, rien qu’à Paris il y a deux fois plus de rats que d’habitants, et ils s’adaptent à n’importe quel poison. Ils deviennent résistants à tout, rétorque Orlando.
— Il a raison, tout Paris est posé sur un matelas de rats. S’ils transmettent une épidémie, rien ne pourra l’arrêter, déclare sombrement Kim.